Je me souviens d’un soir, il n’y a pas longtemps, au Tarmac des Auteurs.
Le Tarmac, ce sont quatre murs de parpaings nus dessinant un carré de terre, avec le ciel pour plafond. Au fond, un vieux container abritant un bureau. A l’avant, une scène. Entre les deux, quelques rangées de chaises en plastique blanc.
Le spectacle vient de commencer. Sur la scène, deux percussionnistes en habit traditionnel. Ils sont formidables de vitesse, de précision, de nervosité contrôlée. Les yeux fous, les mains floues, ils projettent au visage du public une rythmique hallucinée.
Alors, entrent les danseurs.
Six hommes et femmes aux gabarits hétéroclites qui dansent dans un ensemble parfait, à la fois enfiévrés et maîtres d’eux-mêmes, puissants, gracieux et denses. Ils tournent, tapent, sautent, s'exclament ; ils mordent dans l'air du soir avec des mains comme des lames et des pieds comme des marteaux. Extraordinairement présents, directement accessibles, ils s'adressent au public sans passer par son cerveau : c’est l’évi-danse.
Alors, entre l’orage.
Il se fait annoncer, l’orage, petit à petit. Des éclairs silencieux puis des roulements discrets, comme l’écho d’une bataille qui se passerait au loin, créent une sorte d’attente, une tension supplémentaire. Des nuages lourds, roulant lentement leur brume anthracite par-dessus le ciel noir, éteignent les étoiles une par une au-dessus de nos têtes. Le vent se lève, tourbillonne dans l’enceinte fermée. Et la pluie commence à fines gouttes, mais le public ne bouge pas, attaché qu’il est sur sa chaise par les corps en mouvement des danseurs.
Enfin, c’est le déluge.
Alors le spectacle s’arrête, les artistes mouillés de sueur et leur public trempé de pluie se mêlent en réfugiés sur la petite scène bétonnée, on se rencontre, les discussions poussent, les Primus surgissent d’un congélateur, les pieds pataugent dans la boue collante et les rires fusent dans la fraîcheur retrouvée.
On entend vaguement, par-dessus le vacarme de la pluie et des voix, la musique du bar d’en face. C’est, je crois, Tshala Muana.
Comme tu vas me manquer, Kinshasa.
Le Tarmac, ce sont quatre murs de parpaings nus dessinant un carré de terre, avec le ciel pour plafond. Au fond, un vieux container abritant un bureau. A l’avant, une scène. Entre les deux, quelques rangées de chaises en plastique blanc.
Le spectacle vient de commencer. Sur la scène, deux percussionnistes en habit traditionnel. Ils sont formidables de vitesse, de précision, de nervosité contrôlée. Les yeux fous, les mains floues, ils projettent au visage du public une rythmique hallucinée.
Alors, entrent les danseurs.
Six hommes et femmes aux gabarits hétéroclites qui dansent dans un ensemble parfait, à la fois enfiévrés et maîtres d’eux-mêmes, puissants, gracieux et denses. Ils tournent, tapent, sautent, s'exclament ; ils mordent dans l'air du soir avec des mains comme des lames et des pieds comme des marteaux. Extraordinairement présents, directement accessibles, ils s'adressent au public sans passer par son cerveau : c’est l’évi-danse.
Alors, entre l’orage.
Il se fait annoncer, l’orage, petit à petit. Des éclairs silencieux puis des roulements discrets, comme l’écho d’une bataille qui se passerait au loin, créent une sorte d’attente, une tension supplémentaire. Des nuages lourds, roulant lentement leur brume anthracite par-dessus le ciel noir, éteignent les étoiles une par une au-dessus de nos têtes. Le vent se lève, tourbillonne dans l’enceinte fermée. Et la pluie commence à fines gouttes, mais le public ne bouge pas, attaché qu’il est sur sa chaise par les corps en mouvement des danseurs.
Enfin, c’est le déluge.
Alors le spectacle s’arrête, les artistes mouillés de sueur et leur public trempé de pluie se mêlent en réfugiés sur la petite scène bétonnée, on se rencontre, les discussions poussent, les Primus surgissent d’un congélateur, les pieds pataugent dans la boue collante et les rires fusent dans la fraîcheur retrouvée.
On entend vaguement, par-dessus le vacarme de la pluie et des voix, la musique du bar d’en face. C’est, je crois, Tshala Muana.
Comme tu vas me manquer, Kinshasa.