Kisangani est perdue au cœur d’une forêt grande comme un pays, au nord-est de la RDC. C’est une ville de terre, car les communes ceinturant le centre ville ressemblent à des villages de brousse ; d’arbres, car ici personne ne songe à les couper ; et d’eau, car on y retrouve le Congo, 2.000 km en amont de Kinshasa. Même aussi loin de son embouchure géante, le fleuve y est très large et le courant puissant. Depuis Kinshasa on n’y parvient que par les avions-poubelle des compagnies congolaises, ou alors en passant par Nairobi.
Les habitants de Kisangani, pleins de logique et de bon sens scientifique, s’appellent les Boyomais.
La ville est sillonnée à toute heure du jour et de la nuit par les tolekas. Ce sont des vélos tout simples, dont le porte-bagages a été garni d’un siège en mousse habillé de macramé multicolore : on dirait une selle de Bisounours. Assis à l’arrière de ces biclous chinois décorés de slogans à la gloire de Dieu, les cheveux au vent et le groin recouvert de poussière, les boyomais cahotent sereinement en discutant le bout de gras avec leur chauffeur, souvent jeune ; parfois un étudiant qui gagne ainsi de quoi payer l’université. Ce dernier pédale entre les trous en se récitant le Code du Travail, les 5 forces de Porter, ou le Théorème de Bolzano-Weierstrass. Il a des mollets d’acier et une tête bien remplie. C’est un humaniste accompli.
Plongé dans cette atmosphère de grand village, très loin de Kinshasa, de ses bolides vrombissants et de son ambiance permanente de foire d’empoigne surchauffée, nous menons notre étude avec ma collègue congolaise. Nous arpentons ensemble la ville sous un soleil de plomb, réunissons des gens dans des bistrots miteux, rencontrons directeurs locaux et agents immobiliers. Nous découvrons par petites touches comment fonctionne cette ville qui a connu Stanley et l’enfer de la Guerre des 6 Jours, dont elle porte encore les traces vives.
Le soir, au dîner, on cause. Elle me raconte l’histoire, vraie vraiment, d’un sorcier tombé du ciel entièrement nu sur le toit d’une maison de son quartier. Je lui décris en retour la Révolution Française. Elle me dit le Congo et je lui dépeins le métro. Je lui explique le SDF et elle m’assène une guerre civile. Amours congolaises, mœurs parisiennes, rudiments de swahili, souvenirs d’enfance, et même la passion ardente que nourrit ma collègue pour Julien Lepers s’entrecroisent à notre table. Nous allons d’étonnement en étonnement.
Nous parcourons ensemble, à longueur de poulet-makemba, les années-lumière qui séparent nos civilisations. A quoi bon refaire le monde quand le partager est déjà si compliqué ?
dis donc c est pas plutot toi qui racontait avec nostalgie bolzano weierstrass a ta collegue suzanne, alors qu elle t annoncait sa passion pour julien lepers?
RépondreSupprimerbolzano weierstrass... bolzano weierstrass ca faisait longtemps que j avais pas entendu de gros mots comme ca! je vais peut etre en rever ce soir!
Pour voir Kisangani hier et aujourd'hui :
RépondreSupprimerwww.stanleyville.be
Cordialement,
Jean-Luc Ernst
jeanluc.ernst@base.be
Top : "Je suis une intégrale triple de Gravier-Stock, je suis seule depuis un certain temps mais ne me balade jamais sans mes racines, je suis amphibie, je suis en vinaigrette, je suis...je suis ? Roland Topor."
RépondreSupprimerLa bande à Périssouuuuuuuuuuuuuuuu !
16 U = Chèque Emploi Service Universel.
Merci Monsieur-concentration-gratte-cuir-chevelu.
Le Congo en direct de l'ile aux moines, ca fait un effet rigolo. Essaye de lui dépeindre la Bretagne à ta collègue, juste pour voir.
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