vendredi 11 juin 2010

19 - Géographie


 
[Je suis malâââde, contre-coup de deux semaines difficiles au boulot. Petite chronique vite-faite-mal-faite en attendant que ça aille mieux.]

Un des chauffeurs, chez nous, s’appelle Benjamin. C’est un petit homme sans âge, au crâne tondu à blanc, à la bouche large, au visage inquiet. Il parle le français et le lingala comme une mitraillette cassée. Les mots s’échappent de lui par paquets confus. Il est aussi, à rebours de beaucoup de ses confrères, désespérément honnête.

Il a un souci un peu gênant pour un chauffeur : il est tout le temps perdu. Lorsqu’on veut aller quelque part avec lui, il faut d’abord lui demander s’il connaît. Bien sûr, il ne vous dira jamais non… mais quand il ne connaît pas ça se voit. Il prend l’air pénétré. Il répète le nom de l’endroit. Son grand front se plisse, il commence une phrase, il en commence une autre, deux petits troupeaux de mots déconcertés, et puis il s’arrête et il prend l’air embêté. Alors, il faut dire : ce n’est pas grave. On demandera. Soulagé, il démarre. 

Comment lui en vouloir ici ? La ville n’est que rues sans nom, avenues barrées pour travaux, quartiers impraticables. Il n’y a pas de carte fiable. Certains boulevards ont changé de nom trois fois en dix ans, au gré des généraux en faveur ou des politiciens au pouvoir. Les kinois les appellent encore par leur ancien nom, en omettant les mots inutiles comme Rue de ou Place du. « - Tu es où ? - Quartier GB, sur Prince de Liège. - On se retrouve au Bloc ? - OK, mais ne passe pas par 24, c’est bouché !». Un oiseau migrateur n’y retrouverait pas le Nord.

Et puis en ce moment les travaux sont partout. On refait quelques routes à la hâte en vue du cinquantenaire de l’indépendance, fin Juin. Cela provoque régulièrement des embouteillages homériques. Sur le Boulevard du 30 juin, il y a même des lampadaires. Le reste de la ville est dans le noir, mais on aura un beau défilé.

Il faut savoir ce que l’on veut.

6 commentaires:

  1. Mbote,
    en cherchant des histoires en lingala, je suis tombée sur votre blog. je fabrique un petit cahier-livre pour des enfants que je retrouve dans votre ville, dans deux semaines. est-il possible d'emprunter vos dictons et l'histoire sur l'éléphant? que faites-vous en RDC? Peut-être aurons-nous l'occasion de nous rencontrer?!
    Je vous souhaite de vous rétablir bien vite.
    bien à vous, bia

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  2. Bia : bien sûr, ni les éléphants ne les dictons ne sont à moi !

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  3. Mbote Matt,
    deux autres questions: connaissez-vous la référence du livre d'où provient cette page? savez-vous où je peux trouver ce genre de petits textes?
    Merci pour tous,
    bia

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  4. Bia : Je peux peut-être retrouver la référence du livre.

    A quelle adresse e-mail puis-je vous écrire ?

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  5. Matt
    chouette! vous pouvez laisser un message sur le blog de l'oiseau blanc, soit à mon adresse : lillibel@hotmail.com.
    votre blog me permet d'avoir un pied à kinshasa avant d'arriver dans cette ville. vos chroniques sont remarquablement écrites. mirrisi mingui!

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  6. Oui, c'est un peu notre Baudelaire à nous, son avion devait partir pour le Yémen, il a atterri en RDC...

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