Il faut que je vous avoue quelque chose. Avec Mélanie, on prend des cours de danse africaine.
Les raisons qui nous y ont poussé sont simples : nous sommes en Afrique. Nous habitons un pays qui danse comme il respire. Dans les soirées, dans les boîtes, même aux excursions organisées par le boulot, tout le monde danse. Très bien. Tout seuls sur le bord de la piste, les quelques timides qui bougent la tête en cadence ont l’air de s’ennuyer un peu. Ils font peine à voir.
Alors, nous nous sommes laissé convaincre d’essayer.
Notre professeur est un chorégraphe originaire du Bandundu. Il s’appelle Jacques Bana Yanga. Un visage sérieux, taillé à la machette, percé de deux yeux noirs animés ; un corps parfaitement dessiné, un petit brillant de pacotille à l’oreille gauche, un parler confus, presque timide, une grande gentillesse. Le voir danser est un plaisir dont je ne me lasse pas. Il a des gestes étonnamment précis, épurés, qui contrastent avec la fantaisie baroque de la plupart des danses d’ici. On sent dans ses mouvements une résolution puissante et maîtrisée, une énergie énorme qu’il bride et débride à volonté.
Il s’est construit au Congo une petite célébrité. Il a voyagé un peu partout en Afrique pour y étudier les danses locales, travaillé avec des chorégraphes et danseurs européens, roulé sa bosse en France et en Belgique. Dans les spectacles qu’il monte avec sa compagnie, il mélange avec bonheur les influences diverses qu’il a tirées de ses voyages, en les assortissant d’éléments empruntés à la danse contemporaine (ce qui, au passage, peut être risqué : l’autre jour, sur la scène du centre culturel français, j’ai vu un type couvert de farine se rouler en silence dans un tas de feuilles mortes pendant plus de quarante-cinq minutes. C’était horrible).
Avec Jacques et deux ou trois autres élèves, nous nous retrouvons le samedi dans une salle moquettée de l’école américaine. Il y répète pour nous les gestes des sorciers du Kasaï, des mamans du Kivu, des fêtes de village de l’Equateur. Il nous donne ses instructions d’une voix un peu étouffée, un mot à la fois : « Bouger », « Changer », « Tout », « Droite », « Maintenant boire ». Parfois aussi, lorsque son copain Papy-le-tam-tam est absent, il scande les percussions tout en dansant. Derrière lui, dégoulinant de sueur, les cuisses en flammes, je roule du cul tant bien que mal en essayant de suivre ses mots et ses gestes. Pied gauche - les épaules comme ça - le bras en avant - rrRRrakatatam - rotation du bassin - zégé- HOP ! - pied droit - main gauche - ah non merde - pas celle là - perdu le rythme - on reprend.
C’est l’enfer. Je me heurte à des blocages tenaces, à une pudeur bête d’élève ingénieur effarouché. Qu’importe ! On progresse. On voyage. On danse le guépard, le guerrier, l’éléphant, même le poulet. On s’y oublie quelques instants. On en caquetterait presque de joie.
Car danser, finalement, c’est un peu comme l’eau de la Bretagne Nord au mois de juin : elle est bonne, une fois qu'on y est.
toi tu es le mundele qui a le rythme dans la peau...:)
RépondreSupprimerarnaud : Nan. On m'appelle plutôt "le Johnny Clegg des caniveaux".
RépondreSupprimerdes photos....
RépondreSupprimerdes videos !
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