Rentrer à Kinshasa, c’est prendre en sortant de l’avion cette claque de chaleur humide dont l’odeur, à elle seule, concentre pour moi toute la ville, tous ses habitants et même tout le Congo. On la respire un moment avec bonheur, puis l’on s’y habitue et elle disparaît. Car, passées les premières minutes, les choses les plus évidentes sont celles que l’on voit le moins : de même que les shégués, la chaleur, le trafic ou la couleur des peaux, elles finissent par aller de soi.
Rentrer à Kinshasa, c’est sortir des bouts de France de sa valise et les ranger dans son frigo, en priant pour que les pannes de courant les épargnent le plus longtemps possible, puis contempler d’un œil vague les étagères pleines à craquer de terrines, de Morbier, de saucisson, de confitures, de Comté, et se demander ce qu’on va bien pouvoir bouffer pour le dîner.
C’est ensuite repartir au boulot avec les idées fraîches, la patience en bandoulière, la motivation au beau fixe, le recul nécessaire, la conscience tranquille, la respiration régulière, et au creux de l’estomac le petit pincement de la rentrée des classes. Retrouver les collègues, leurs sourires, leurs expressions, leur accent, leur œil gourmand devant les chocolats rapportés de Roissy – car les congolais ont la bouche sucrée. Et leur étonnante impudeur sur certains sujets, qui m’a valu ce matin, dans la voiture, un rapport hémorroïdal détaillé façon Technicolor.
C’est, pendant quelques heures encore, se sentir entre deux mondes, être un corps étranger dans un endroit connu, avoir un pied sur chaque planète dans un grand écart cosmique, et savoir pourtant que bientôt Paris sera abstraite et Kin la seule réalité.
Rentrer à Kinshasa c’est retrouver ses rythmes. Ceux de la rumba, des klaxons, ceux des cris de la rue, des trous dans les trottoirs, des pluies trop fortes et des soleils trop chauds, et la voix lente du fleuve, et la démarche des kinois.
C’est changer de ton, changer d’accent, ralentir un peu le temps, oublier le silence, pouvoir à nouveau appeler tout le monde Papa ou Maman ; c’est enfiler la ville comme un vêtement un peu trop chaud pour la saison et s’y sentir plutôt bien,
Et c’est chanter avec Du Bellay :
Plus me plaisent les bus déglingués mais gracieux
Que du métro les gens compassés et sérieux
Plus que l’asphalte grise me plaît la boue noirâtre
Plus que le jambon-beurre le bon pain de manioc
Le lingala facile plus que la langue d’oc
Et le soleil violent plus qu’un bon feu dans l’âtre
Oui mais bon, Paris sans Matthieu, c'est un peu
RépondreSupprimerBattling Lily sans saxo,
jour sans sacoche oubliée,
pas d'Saint Nectaire dans l'frigo,
une fratrie amputée.
Quelle sacoche ? Je ne vois vraiment pas de quoi vous voulez parler.
RépondreSupprimer...et une marraine esseulée...
RépondreSupprimerPetit fétiche sur un coin de la cheminée me rappelle tout bas que tu n'es pas si loin.
Un peu de terre d'Afrique habite chez moi.
Love you xxx
Il avait raison le frangin.
RépondreSupprimerRemarque ici à Quinsac, on peut s'enfoncer jusqu'aux genoux dans la boue en voulant longer la Garonne, faire chanter le nutella dans les toilettes en vidant la baignoire ou encore refiouler l'atmosphère grâce à Super-Buderus Ecomatic 2000.
Mais tu sais bien que chaque départ est une arrivée et chaque arrivée un passage...