A l’Est de Kinshasa, un peu à l’écart de la route encombrée de l’aéroport, s’élève un haut promontoire. Culminant au-dessus des autres collines qui plissent la région de la capitale, il porte beau ses 710 mètres et son nom rigolo : les kinois l'appellent Mont Mangéngéngé.
Nous sommes partis avec un couple de copains l’escalader dimanche dernier. Pour l’atteindre, il faut parcourir 10 kilomètres de piste sableuse, de chaque côté de laquelle poussent des herbes rases, quelques acacias, et des petites baraques de parpaings nus. Il se dresse au bout de la piste, présentant au distant fleuve Congo qui serpente à l’horizon ses flancs escarpés, verts et blancs. A son pied, une petite cahute vend des bâtons de marche, alignés sur un présentoir de fortune. Le rituel est délicieux : il faut (ce n'est écrit nulle part mais comment faire autrement ?) en choisir un, le soupeser, tester son équilibre et sa rigidité, se décider finalement pour un autre, regretter sa trahison, revenir au premier, et puis, muni de son bâton tout frais, se mettre en marche.
C’est un calvaire qui court au flanc du mont, jalonné de grands crucifix blancs numérotés. Sableux, il monte en pente très raide. Sous le soleil pourtant voilé de juillet, on transpire vite à grosses gouttes. Montée, pause, montée, pause, poussière dans les chaussures et dans les poumons. Une grosse corneille nous précède de station en station. A chaque nouvelle étape, elle nous attend perchée sur sa croix blanche comme un mauvais présage. Du sommet qui se rapproche doucement nous parviennent, portés par le vent, les notes distantes d’un cantique à plusieurs voix.
On arrive en haut par des marches irrégulières taillées dans le calcaire. C’est une crête large et aplatie où poussent quelques arbres. Quelques squelettes de huttes en bois y tiennent encore debout, sans mur ni toit. A nos pieds, un paysage embrumé de collines rases. On n’y distingue ni la ville, ni le fleuve ; sur le plateau il semble n’y avoir personne. Mais on entend, nettement à présent, les voix qui s’élèvent autour de nous. Car le Mont Mangéngéngé est un lieu de pèlerinage. De nombreux kinois viennent y prier régulièrement et, comme à l’église du réveil, ils le font à tue-tête. Ce sont des litanies longues et monotones, des chants, des invectives, des hurlements où perce une pointe d’hystérie. Dans cette cacophonie frappante on distingue, omniprésent, le nom de Dieu.
Cherchant un endroit tranquille pour avaler notre pique-nique, nous parvenons à une esplanade où se dresse un grand calvaire. Assis à l’ombre d’un manguier, un homme au teint clair nous souhaite la bienvenue. C’est le pasteur d’une église du réveil, venu prier ici, dit-il, car Dieu le lui a ordonné. Tout en mangeant avec appétit le pain que nous lui offrons, il attaque: pourquoi sommes-nous venus ? Quelle est notre religion ? Voulons-nous parler de Dieu ? Nous éludons courtoisement ses questions mais il se fait insistant. Ne sommes nous pas frères ? Puisqu’il a partagé notre repas, pourquoi ne pas le laisser nous nourrir à son tour ? Devant notre refus poli, son sourire disparaît et l'on sent monter dans ses paroles une touche d’agressivité. Il déploie des trésors de rhétorique pour nous prouver que nous devons l’écouter. Mais il finit par commettre une erreur…
- Vous êtes dans la maison de Dieu, dit-il. Puisque je vous reçois ici, il serait malséant de votre part de refuser ce que j’ai à vous offrir !
- Papa, pardonnez-nous mais vous qui êtes africain, vous connaissez les lois de l’hospitalité. Un bon maître de maison, lorsqu’il reçoit chez lui, il n’impose pas : il propose. Non ?
Ca lui coupe le sifflet. Avec un sourire faux, il plie bagage et s’en va, à la recherche peut-être d’une âme plus facile à sauver. Autour de nous, les cris mêlés des pèlerins montent moins nombreux vers le ciel blanc. C’est peut-être l’heure de la sieste.
Alors que nous nous préparons à partir, nous sommes abordés par une jeune femme qui tient dans ses bras une toute petite fille. Elle vient à nous et nous parle, dans un mélange rapide et confus de lingala et de français. Elle nous a vus en rêve, la nuit précédente. Je vais avoir des jumeaux. Mélanie recevra beaucoup des mains de Dieu. Notre ami a des problèmes d’argent mais ça ne durera pas.
Et puis nous descendons.
Peuple étonnant dont le malheur fait des prophètes et des sorciers…
Moi quand je suis invité et qu'on me propose du gratin de chou-fleur ou des betteraves, j'en prends quand même un peu, pour gouter... Est-ce pareil pour Dieu ? J'espère que vous ne l'avez pas trop vexé le vieux barbu et qu'il vous donnera quand même de beaux jumeaux !
RépondreSupprimerBises !
Manu : en théorie tu as raison. Mais si un inconnu veut absolument te faire manger du chou-fleur alors que tu n'as pas faim, et que tu sais qu'il y a neuf chances sur dix pour que le bonhomme vive comme un nabab sur le dos des congolais ? Des fois, en pratique, c'est dur.
RépondreSupprimerEt si un inconnu, soudain, veut t'offrir des fleurs ?
RépondreSupprimerPierre : c'est ce que je dis, ça dépend. Tout est dans la manière...
RépondreSupprimerMatt : c'est ce que tu dis ? Pierre : Matt : tu es sûr ? - Matt ? - Matt :: Pierre ?/Pierre + Matt :--) ; hein ?! :qui ça : Matt:::Pièrtvvrtfzt... paf.
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