Le matin en allant au boulot, on écoute RFI.
La voiture file sur l’avenue de la Justice, pilotée avec dextérité par un des chauffeurs de l’agence. Mon collègue A., un burkinabé interminable dont la tête dépasse du siège, est à sa droite et moi je suis derrière. Les grands mimosas et les flamboyants de l’avenue sont en fleur, ils explosent en jaune et rouge de chaque côté de la voiture et déposent sur le bitume de petits tapis colorés. Il fait frais, il fait bon, la lumière est claire sans être crue : le soleil, pour l’heure, réserve ses violences.
Tous les trois à l’unisson, nous écoutons des voix africaines lire les informations du jour. On voyage beaucoup. Le Sahara grignote le Burkina ; le Tout-Puissant Mazembe bat l’Espérance de Tunis par 5 à 0 ; Michel Houellebecq écoute Salif Keita ; les gesticulations de Nicolas téléscopent les élections guinéennes et les escrimeurs français les Jeux Panafricains. On apprend également qu'Omar Bongo possède en France 17 limousines. Il n’en est pas moins mort. Il est sans doute, comme disait Coluche, le plus riche du cimetière.
Depuis notre bulle ronronnante, nous nous laissons bercer par les soubresauts du continent. Oubliant un instant les nouvelles, je me rappelle l’Afrique, vue depuis le 20 heures de TF1. On n’y voyait que des kalachnikovs, des séropositifs et des enfants malnutris. Où étaient donc passés les autres ? Où étaient les mamans, les mineurs, les boulangers, les médecins, les entrepreneurs, les Haoussa, les Bambara, les Mongo, les fleuves, les sportifs, les forêts, les griots, les poètes et les vélos* ? N’est-ce pas la plus grande bêtise de la France post-colonialiste que d’ignorer sans discernement ces richesses ? De n’y plus voir que des guerres meurtrières, d’encombrants immigrés et des contrats miniers ? Cela me désole.
Peut-être il faudrait vendre à nos chaînes de télévision un reality show africain. Paris Hilton y mangerait des vers de palme dans une cahute sans électricité des bas-quartiers de Ouagadougou. La StarAc chanterait à l’église du réveil et Alain Bernard traverserait le Niger à la nage, poursuivi par des hippopotames. Il y aurait une course en sac dans les champs de mines du Mozambique. On lâcherait Jean-Luc Delarue dans un quartier à shégués de Kinshasa, entièrement nu à l’exception d’un slip en billets de 100 dollars. Le gagnant repartirait avec les limousines d’Omar Bongo. Ce serait formidable.
En attendant, j’écoute le chroniqueur Mamane fustiger sur le mode clownesque la gourmandise des présidents. Sur RFI, l’Afrique est immense et riche et compliquée, aussi vivante que toi et moi, aussi belle que le Morbihan à l’automne, aussi injuste que les expulsions des Roms. Ouais, papa : sur RFI, l’Afrique, en-tout-cas-vraiment, on l’entend bouger tous les matins.
*J’ai compris depuis : il étaient dans l’Afrique Enchantée.
Désolé pour la photo pourrie qui illustre l'article, qui en plus n'est pas prise sur Justice mais sur le boulevard du 30 juin.
RépondreSupprimerJe n'avais que ça...
Je me disais bien que je ne reconnaissais pas.
RépondreSupprimerSans rancune ...
C'est vrai qu'après ce grand délire, cette petite précision n'est pas inutile.
RépondreSupprimerGrande fan de RFI ici aussi à Paris,
RépondreSupprimermais que penser de leur nouvelle campagne de pub?
RFI utilise les clichés les plus grotesques sur l'afrique, la religion pour faire valoir son "info internationale"
Les raccourcis utilisés sont dignes de TF1...
On est déçu, forcement!
http://reveil-fm.com/index.php/2010/11/14/1135-rfi-polemique-sur-la-nouvelle-campagne-publicitaire-en-ile-de-france
bonobette : merci, je n'avais pas vu la campagne. C'est vrai que c'est décevant... Dans ces affiches, on n'a vraiment pas le sentiment que la radio s'appuie sur ce qu'elle a de fort et d'original !
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